Nos vies valent plus que leurs profits

« Il y a besoin d’une organisation marxiste révolutionnaire pour changer tout ça »

Manifestation à Haïfa contre la guerre à Gaza, le 31 mai 2025

 

 


Interview d’un militant israélien étudiant à Haïfa qui témoigne de la révolte mais aussi des difficultés de ceux qui en Israël veulent combattre la politique de Netanyahou. La guerre déclenchée par Israël contre l’Iran et toute la propagande qui va avec ont fait reculer les manifestations qui commençaient à poindre en Israël contre la guerre à Gaza. Mais les arrestations de manifestants antiguerre dont nous parle ce camarade sont bien la preuve de ce que craint le plus Netanyahou : qu’avec les horreurs de la guerre, le scandale des massacres perpétrés par l’armée israélienne et demain peut-être aussi les bombardiers américains, la voix de ces militants rencontre de plus en plus d’écho dans la population d’Israël, sa classe ouvrière, ses couches les plus pauvres.

B. est étudiant à l’université de Haïfa (nord d’Israël) et militant révolutionnaire. Il revient avec nous sur la situation politique en Israël, notamment depuis le début des frappes sur l’Iran.

 

 

Quelle est la situation politique en Israël actuellement ?

Le gouvernement et les médias disent que les frappes contre l’Iran ont pour but de libérer les Iraniens et de les aider à se débarrasser du régime des mollahs. Juste avant les frappes, Netanyahou était au pic de son impopularité, l’affrontement avec l’Iran a permis de renforcer l’unité nationale. À Haïfa, depuis le début des frappes, il y a toujours des manifestations de gauche radicale anti-guerre qui rassemblent une vingtaine de personnes. Les gens qui manifestaient contre Netanyahou restent chez eux. Les manifs anti-guerre durent une demi-heure puis les gens se font arrêter par la police. La différence, c’est que l’Iran est beaucoup plus puissant que les organisations palestiniennes, du coup la pression à l’unité nationale est plus forte. Les manifestants anti-guerre sont arrêtés actuellement pour trouble à l’ordre public, mais on se demande si dans le futur le motif de « trahison au profit d’une puissance étrangère » sera mobilisé. Une militante trans anti-guerre a reçu un texto d’un numéro étranger disant : on vous connait, on a votre adresse, on va venir s’occuper de vous. La popularité de Netanyahou est remontée avec la guerre. Israël dit que l’attaque contre l’Iran est une attaque préventive. On sait très bien que c’est un conflit inter-impérialiste. Cela fait 30 ans que Netanyahou dit que l’Iran va avoir la bombe. Les experts internationaux pensent que l’Iran n’était pas près de l’avoir. C’était une attaque planifiée de longue date. « L’axe du mal », les ennemis d’Israël dans la région (Bachar en Syrie, Hezbollah, Houthis au Yémen, Hamas) ont été très affaiblis, Israël était dans une position de force.

Quel est l’impact de la guerre pour les citoyens en Israël ?

Les trois premiers jours c’était angoissant. On recevait un texto nous disant qu’on avait dix minutes pour rejoindre un abri. Il y a des gens à Haïfa qui sont morts, dans un quartier loin de chez moi. Les gens étaient confinés chez eux. Là, les gens recommencent à aller au travail. Il y a une sorte de retour à la normale. Bien sûr tout cela n’est rien par rapport à ce que subissent les populations de Gaza et d’Iran. En Israël, il n’y a pas beaucoup d’abri chez les résidents privés ou même dans les lieux publics pour les zones arabes. Dans la ville de Tamra, dans le nord, quatre femmes sont mortes à la suite d’une frappe parce que leur abri n’était pas aux normes. Le budget n’est pas utilisé pour les abris dans les zones arabes. Il y a eu une vidéo populaire où, dans une ville juive, les gens applaudissaient le bombardement d’une ville arabe d’Israël en chantant : « Que votre village brule. » Les morts en Israël à cause de l’Iran renforcent le bellicisme.

Quelle est la politique des organisations de gauche ?

La plus grosse organisation de gauche qui est présente électoralement est le Parti communiste (Hadash) où l’on trouve Juifs et Arabes. Ils soutiennent BDS, mais politiquement ce sont des réformistes, pragmatistes et opportunistes. Je suis assez pessimiste. La situation politique est comme une prison mentale. Quand je me rappelle des manifestations où je suis allé à mon dernier séjour en France ça me remonte le moral. Je suis toujours marxiste et je mourrai socialiste. Mais la classe ouvrière en Israël est quasi fasciste. Ma seule perspective c’est l’émigration. J’ai vu une vidéo de Nathalie Artaud qui parle de la fédération socialiste du Moyen-Orient. Ça remonte le moral. À l’université, politiquement il ne se passe rien. On a la réputation d’être très politisés à l’université de Haïfa mais il n’en est rien. Le campus est très éloigné de la ville. La répression est forte. Les enseignants ont peur d’être virés. Il y a besoin d’une organisation marxiste révolutionnaire pour changer tout ça.

OSZAR »